Avant de commencer je tiens à préciser qu'actuellement je travaille à Wendake, au village huron, en banlieue de Québec. Ce qui me donne l'occasion d'entrer en contact avec le monde quotidien des autochtones. Wendake n'est évidemment pas le miroir parfait de ces peuples mais est tout de même une porte d'entrée pertinente en la matière... Maintenant les justifications faites, venons en au sujet principal, très bien représenté par l'image de Louis Riel ci-dessus.
La situation des amérindiens, au Canada et au Québec, n'est évidemment pas facile et les conséquences de cette crise humaine et culturelle éclatent périodiquement au grand jour. Ce fut le cas récemment lors de la journée de protestation organisé par les nations autochtones mais ça l'est aussi et de manière beaucoup plus dramatique: au travers d'un taux de suicide excessif, des problèmes chroniques de violence, d'alcoolisme et de consommation de drogues. Les amérindiens du Canada vivent beaucoup moins longtemps que les autres habitants du pays. Ils sont aussi moins instruits, moins riche et plus chômeurs... Il ne faut donc pas s'étonner, qu'une fois de temps en temps,un sentiment de révolte les pousse à commettre des actions de protestation illégales. Lorsqu'on se noie, il est on ne peut plus normal de crier à l'aide et de se débattre, s'en faisant bien peu pour la tranquillité de ceux qui nous entoure... Force est d'avouer que les membres de premières nations et leur culture, du Québec et du Canada, sont en train de mourir en temps réel devant nos yeux.
Mais pourquoi la fin semble-t-elle si inéluctable pour ces cultures? La raison que je propose est bien simple: une coupure trop radicale sur le passé, ayant amené une perte d'identité irréparable et une conception de l'avenir prenant l'image d'un trou noir. Les autochtones d'ici savent encore qu'ils sont sensés être différent mais ne savent plus en quoi ils le sont. Il y a plusieurs raisons à cela, l'une d'entre elles étant sûrement les pensionnats dans lesquels, au début du siècle jusqu'à la révolution tranquille, on envoyait les jeunes amérindiens et où on leur empêchait de parler leur langue et de vivre leur culture. Le fait aussi qu'on leur ait créé des réserves, ce qui les forçait à vivre en marge de la société et donc ne pouvant évoluer avec elle. Peut-être aussi finalement parce que leur culture pré-coloniale en était aussi une précédant l'âge du fer, le bond que la culture avait à faire était peut-être trop grand pour ces ethnies quasi exterminées. Le tout ayant évidemment à compétitioner contre les attraits de la culture des blancs nord-américains...
Peu importe la ou les raisons, ils ne sont plus ce qu'ils étaient mais ne semblent pas en mesure de reprendre le contrôle afin de se recréer une nouvelle identité cadrant avec leur réalité actuelle. Il est très triste de voir ici à Wendake des photos, datant des années 60 ou 70, montrant des gens de la communauté portant des habits de cuirettes, des parures de plûmes et tout cela à côté de des tipis, d'un type de parure que les Hurons-Wendats n'ont jamais traditionnellement portés, sans préciser non-plus que les Hurons n'ont jamais vécus dans des tipis. Voilà donc le résultat, ils ne savent plus! C'est triste mais je ne crois pas que ce constat soit si loin de la réalité.
Loin de moi l'idée de victimiser à l'extrême et du même coup, d'excuser n'importe quelle conduite. Les européens ont certainement une part de responsabilité pour la situation des premières nations mais ne sont pas responsable de tout. Aujourd'hui les amérindiens souffrent mais comme peuple, ou au moins plusieurs d'entre eux, ne saisissent pas les chances qu'ils auraient de s'en sortir.
Je crois donc qu'au point ou nous en sommes (oui je parle bien de nous, dans un sens global, car lorsq'une partie de la société coule s'est tout le monde qui en souffre). Une situation nouvelle et radicale doit donc être proposée. Je ne crois pas que l'on puisse ressusciter la défunte culture des autochtones du Québec; morte en même temps que leurs langages, religions, traditions et habitudes de vie... Je ne veux pas dire qu'il ne reste rien, simplement rien de significatif leur permettant de redevenir... Et encore s'il ne fallait que redevenir mais pour qu'une culture vive il faut ait vécu mais aussi qu'elle soit maintenant et dans le futur, chacune des sections en cohésion avec celle ayant suivi! Plus la coupure est longue plus il est difficile de rattraper le temps perdu.
Donc, puisque la situation est dramatique et que cette culture du passé n'est plus accessible dans un monde moderne, pourquoi ne pas proposer un nouveau projet commun? Je ne parle évidemment pas ici de forcer les autochtones à oublier qui ils sont mais à se rappeler de manière commune qui nous sommes! Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas que les autochtones qui ont perdus leur racine; à une moindre mesure les Québécois aussi ont oubliés. Je ne veux pas dire que la culture québécoise est en aussi grand danger que celle des amérindiens mais que rien n'est assuré pour nous non plus et que tout renforcement ne peut être que souhaité.
Bon, je sais, je sais: j'en viens-tu finalement à la maudite proposition! D'accord fini les préambules. Ce que je propose, c'est une refonte commune de nos identités, entre Québécois et amérindiens de la province. Un tel projet aurait 2 qualités principales: premièrement de ne plus laisser le poids que les amérindiens être porté par eux seul et créer un lien millénaire entre les québécois et l'environnement dans lequel il vivent. Tout cela se ferait évidemment en sus du fait de régler de graves problèmes sociaux touchants une partie de la population. Le tout serait une culture mixte et ancestrale, fière de son passé métissé et ayant les capacités afin d'affronter la modernité.
D'accord, on va maintenant me dire que tout ça c'est bien beau mais que ça n'est pas très réaliste et qu'il n'existe aucune base historique pour une telle culture...
Faux!
Cette culture métissée, que je propose, a des racines profondes au Québec, ou du moins, chez les canadiens français. Ces racines peuvent être montrées par 4 exemples d'importance symbolique:
1. Les trappeurs, personnages mythiques du passé québécois et canadien français, n'était pas aussi européens qu'on le voudrait. Ils étaient en fait souvent très métissé de sang et de culture. Il y avait beaucoup de mariages entre les ethnies (blanche et amérindienne), de plus plusieurs d'entre eux vivaient avec les autochtones. Le tout était particulièrement visible par les tatous et peintures que les trappeurs arboraient, habitudes typiques des amérindiens. Voici donc un premier point de rapprochement entre nos cultures.
2. Le métissage typique des trappeurs n'était pas un fait isolé. C'est un fait plutôt triste que la plupart des Québécois n'ont à peu près aucune connaissance de leur arbre généalogique. Celui-ci leur apprendrait que la majorité d'entre eux (des pur-laine)ont du sang amérindien et la plupart des amérindiens du sang blanc. Nous ne pouvons donc pas parler de deux peuples mais bien d'un seul. Cette base commune possède toute fois des extrêmes différents créant deux stéréotypes. Je connais pourtant plusieurs québécois au teint un peu sombre et au cheveux noir, tout comme des autochtones au cheveux blonds. La différence raciale est donc, pour la plupart, peu significative. Si on accepte ce fait, on voit donc qu'une des choses principales qui nous séparaient n'est pas exacte.
3. Le troisième point est celui d'un symbole historique et politique: Louis Riel. Ce canadien français, métisse, est la quintessence de ce qui nous rapproche. Riel était francophone mais était à demi amérindien. Personnage important pour les deux communautés, sa mort fut un événement marquant pour les deux "peuples". Là aussi l'histoire nous rapproche et nous donne des racines communes.
4. Le dernier point que je vous propose est celui de l'adaptation peu commune vécu par les Hurons-Wendats. Ceux-ci, en banlieue de Québec, vécurent pendant longtemps en contact avec les français. il est très intéressant de voir qu'ils s'adaptèrent à leur environnement et cela est particulièrement clair au travers de la tenu portée traditionnellement par les grands-chefs durant les 200 dernières années. Qu'est-ce que ces habits ont de particulier? Ils sont l'adaptation de la culture huronne face leur environnement immédiat: redingote style "napoléonien", ceinture fléchée et parure de plumes très originale (n'ayant rien à voir avec les parures de plumes habituelles des indiens de l'ouest). Ce type d'habit fut utilisé jusqu'à récemment, jusqu'à ce quelque nouveau chef décide que ça ne faisait pas assez amérindien... Qu'il fallait quelque chose de plus typique, plus traditionnel, plus folklorique... On inventa donc quelques habits venant de nulle part et n'ayant jamais existé et voilà le "retour" qui fut fait vers la culture huronne... Cette perte de l'habit du grand-chef est évidemment, selon moi, une grave erreur: un goût de différenciation mais basé sur aucune base concrète, un goût de diviser un ensemble qui s'était, au cours des siècles, tranquillement fusionné.
Voila donc mais différents exemples, preuves que nos deux peuples ne sont finalement peut-être pas si différents et que si chacun savait reconnaître l'autre en lui, peut-être pourrions-nous enfin mettre fin à des conflits stériles pour regarder, en commun, de l'avant. Cette proposition n'est pas un autre génocide culturel mais bien une mise en commun de ce que nous sommes afin de recréer ce qui a pris des siècles à créer et qui ne fut délasser que récemment. Il est impératif que cela ce fasse au plus tôt car les autochtones sont en train de mourir isolés comme ils le sont dans leurs réserves.