vendredi 28 novembre 2008

Déboire fédéral: coup d'état ou énième élection?


En pleine crise financière et économique, la politique fédérale canadienne est en pleine ébullition. Un mois et demi après l'élection d'un gouvernement conservateur minoritaire, le pouvoir est mis à mal et le pays doit se préparer à la possibilité d'une énième élection ou même d'un coup d'état.

Ça ne va pas au gouvernement fédéral, non, ça ne va pas du tout. Que se passe-t-il et à qui la faute de la crise? Les bases de la crise sont plutôt simples: Harper et son fameux agenda caché... Oui, le Premier Ministre Stephen Harper a clairement manqué de doigté dans les dernières semaines. Qu'a-t-il fait? Il a, lors de son dernier énoncé économique, tenté trois actions hautement partisanes et directement destructrices pour la situation politique canadienne actuelle. Plus particulièrement, les trois annonces faites par Harper: l'abolition de la subvention aux partis politiques, la suspension du droit de grève des employés fédéraux et la fin du régime d'équité salariale, se révèlent des choix politiques beaucoup trop marqués et idéologiques pour un gouvernement minoritaire, surtout qu'aucune des actions promises afin de stimuler l'économie ne furent proposées dans l'énoncé. Face à une telle situation, les partis d'opposition n'ont pas d'autre choix que de s'opposer directement au Parti Conservateur (sans les subventions aux partis politiques, peu pourrait survivre). Le problème est donc clair, si tous les partis d'opposition votent contre l'énoncé économique, le gouvernement est défait sur un vote de confiance, ce qui nous amènerait directement à une autre campagne électorale (seulement un mois et demi après que nous en soyons sortit).

Le gouvernement Conservateur, ayant finalement compris qu'il est allé beaucoup trop loin, a annoncé qu'il reculait sur la question des subventions aux partis politiques (ce qui était un mouvement beaucoup trop anti-démocratique pour ce que les Canadiens sont près à digérer). Cependant, malgré ce recul et le fait que le ministre des finances, monsieur Flaherty, a devancé la date du budget fédéral (ouvrant ainsi la porte à quelques mesures de stimulation économique), l'opposition ne semble pas démordre de son os.

En effet, l'opposition Libérale-néo-démocrate semble se griser à l'idée qu'ensemble (et avec l'aide opportune du Bloc Québécois), ils peuvent faire trembler le gouvernement. Encore pire, ils se sont mis en tête qu'ils pouvaient être Calife à la place du Calife. Oui, c'est exactement ce que la "possible" nouvelle coalition rouge-orange promet de faire. Utilisant le fait que la crédibilité d'Harper en a pris un coup comme chef de gouvernement, l'opposition demande à la Gouverneure Générale de trancher en leur faveur et de leur accorder la gouvernance du pays...



Oui, vous avez bien entendu, les partis Libéral et néo-démocrate sont en train de nous passer un coup d'état en douce! Car si les partis d'opposition étaient tout à fait légitimes dans leurs pressions contre l'énoncé économique de Harper, ils ne le sont pas du tout dans leur revendication de la gouvernance. Pourquoi? Pour la simple et très bonne raison qu'ils n'ont pas gagné la toute dernière élection et n'ont donc aucun droit sur le gouvernement. Les Canadiens ont élu (même de manière minoritaire) le Parti Conservateur afin de diriger le pays; pas le Parti Libéral (qui a vécu une réelle déroute) et le Parti Néo-démocrate (qui n'a qu'une trentaine de députés). En ce sens, les partis d'opposition se doivent d'accepter leur défaite et ainsi, cesser de vouloir s'approprier le pouvoir. D'ailleurs, même une coalition rouge-orange n'obtiendrait que 113 députés, contre 143 des Conservateurs. Même en coalition, ce nouveau regroupement politique aurait moins de légitimité démocratique que les Conservateurs. De plus, il est ridicule de penser que le Bloc Québécois puisse rejoindre la coalition. Un parti séparatiste ne pouvant avoir un rôle de direction dans le pays qu'il veut détruire. N'acceptant pas de faire de compromis par rapport au Québec, le Bloc Québécois serait donc un élément ingouvernable dans cette possible alliance, enlevant toute stabilité et donc crédibilité à cette coalition.

Donc, il va falloir que tout ce beau monde prenne une grande respiration, se calme et revienne sur terre. Harper doit faire des compromis et faire face à la crise économique au lieu de faire de la basse politique partisane. De l'autre côté, Dion, Duceppe et Layton doivent se rappeler qu'ils n'ont pas été les gagnants de la dernière élection et qu'ils ne peuvent donc pas prendre la direction du pays. Si les deux côtés font un peu plus preuve de retenu et de prudence, alors la crise politique passera (pas de réélection, pas de coup d'état) et on pourra passer aux questions cruciales de l'économie et de la finance. Par contre, si personne ne fait preuve de prudence, les Canadiens se feront de nouveau projeter dans une campagne dont personne ne veut ou même dans un coup d'état qui mettrait à mal notre démocratie. Allons messieurs les politiciens, du calme pour votre pays, on vous en prie!

6 commentaires:

Ahlaya a dit…

J'aime beaucoup lire tes billets politiques. Souvent j'apprends des choses que je n'avais pas entendu parler, et ça éclaire un peu ma lanterne du côté politique.

J'espère ne pas devoir aller voter de nouveau surtout qu'on doit encore voter le 8 décembre... je trouve que c'est prendre les gens pour des cons!
Et je ne pense pas que je vais changer mon fusil d'épaule en si peu de temps, et beaucoup de gens vont surment penser comme ça aussi .... s'ils vont voter encore ...

Arthur a dit…

Merci bien pour ce gentil commentaire Ahlaya. La politique c'est mon sang et je ne sais trop ce que je ferais sans... Mais la situation de la politique fédérale est assez catastrophique que je comprendrai facilement tous ceux qui deviendront cyniques.

Unknown a dit…

Moi j'aime beaucoup de choix de photos ! Surtout le petit chat jaune :)

Nanie-Nana a dit…

Excellent billet sur la situation m'sieu Arthur. Je ne l'avais pas vu qd j'ai écrit le comm. sur la bd. Ça me surprenait qu'il n'y ait rien d'écrit sur ce qui se passait présentement.

La situation est en effet irréelle. Je ne m'y connais pas en politique mais crois-tu que l'opposition avait le choix face à de telles mesures annoncées? Comme tu le dis, si elle a agit ainsi c'est en partie pour la survie des partis mais c'est aussi pour dénoncer le fait que les conservateurs n'ont pas mis sur la table des mesures pour pallier l'éventuelle crise économique. Si l'opposition se fermait la gueule, elle acceptait sa propre mort en silence. Quoi faire alors?

Je me demande vraiment à quoi pensait Falherty... Abolir le financement des partis politiques, c'est foutre la merde volontairement! À ce sujet, je me demandais si le PC était le seul à avoir présentées de telles mesures dans l'histoire politique fédérale. Je n'ai pas trouvé de réponses sauf celle-ci : "quand il [Harper] dirigeait la National Citizens Coalition, un groupe de pression de droite, il avait mené une bataille légale pour que soient abolis les plafonds de dépenses imposés aux groupes d'intérêt voulant participer à une campagne électorale. Il a perdu sa cause en Cour suprême en mai 2004" (source du Devoir). Puis en 2007, rappelons le tollé autour des dépenses effectuées par le PC qu'Élections Canada dénoncait à coups de pieds de la GRC dans les bureaux du PC. Harper, again and again! Décidemment, Harper est habité par une nostalgie de la partisanerie.

Pour ce qui est du gouvernement de coalition, ce serait hilarant de voir ça. Avec un Dion dont personne ne veut. Mouhaha. Esti que c'est tout croche. Pour ce qui est de la pertinence du Bloc au sein de cette coalition, oui, c'est peut-être un non-sens mais en même temps, son projet de souveraineté n'est pas pour demain. C'est un parti qui, selon moi, peut offrir des mesures sociales et économiques intéressantes tout en respectant leur projet d'avenir pour le Québec... ne serait-ce que décentraliser le pouvoir fédéral afin de laisser plus d'espace de liberté aux provinces (ou du moins faire respecter les champs de compétences - je pense à l'éducation-)...

La suite sera palpitante. Michaelle Jean est revenue de son trip en République Tchèque. Fera-t-elle quelque chose? Tu penses quoi de son rôle?

Arthur a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Arthur a dit…

Salut Nana,
Je te remercie premièrement pour tes bons commentaires.

À ta question (à savoir si l'opposition avait d'autre possibilité que la conduite qu'elle à prise lors des derniers jours), je répondrai en deux temps:

Ce que je veux dire, c’est que l’opposition a évidemment le droit d’essayer de renverser le gouvernement à tout moment. Cependant faire cela n’est pas toujours légitime, sensé ou même démocratique. Dans le cas présent, la tentative de prise du gouvernement, n’est ni très légitime, pas très démocratique et plutôt insensé. En gros, ils ne sont pas en train de faire ce que le système parlementaire leur demande de faire étant donné leurs responsabilités.

Je m’explique : je sais bien que l’énoncé économique de Harper a acculé l’opposition au mur, il était donc tout à fait légitime pour elle de prendre des mesures, aussi poussées soient-elles, afin de se défendre et de défendre leurs électeurs. Cependant, l’opposition, étant donné la situation économique particulière du pays et de l’élection qui vient d’avoir lieu, se devait aussi de faire preuve de calme et de sérieux (et non d'opportunisme ou d'aventurisme (ça se dit?)): autrement dit, s’assurer de trouver un compromis avant de couper complètement les ponts (c'est la base de notre système parlementaire en cas de gouvernement minoritaire).

L'idée de créer une coalition afin de faire plier Harper était très bonne, sauf que la recherche de compromis qui devait suivre ne fut jamais faite et c’est là que se retrouve le problème principal. Pour se légitimer, l’opposition (qui vient tout juste d’être déterminée par les Canadiens comme étant une opposition (et non un gouvernement)), se devait de proposer une alternative et de sommer le premier ministre d’en prendre compte. Si le premier ministre les avait alors ignorés, l’opposition aurait eu la meilleure justification imaginable pour renverser le gouvernement. Ça n’est malheureusement jamais arrivé et l’opposition semble plus intéressée à se diviser le pouvoir qu’à trouver des pistes de solutions ou encore des compromis.

Tout cela est particulièrement odieux, surtout que le gouvernement Conservateur a été renforcé par la dernière élection. C’est un résultat significatif qui ne peut être rayé si rapidement, SANS AUPARAVANT PROUVER QUE TOUS LES EFFORTS ONT ÉTÉ FAITS. Ceci a une grande importance puisque dans un système comme le nôtre, un gouvernement minoritaire pourrait être renversé dès la première semaine de son règne, ce qui reviendrait à un chaos total (qui pourrait se répéter à l'infinie si les allégeances changeaient de bord). On peut penser que c’est notre système de scrutin qu’il faudrait changer, peut-être mais en même temps il fonctionne bien depuis 140 ans. Le problème est-il vraiment le système ou plutôt une bande de politiciens qui mériteraient de se faire botter les fesses (autant à droite qu’à gauche).

Finalement, le problème de légitimité est aussi important étant donné la situation de la coalition : la direction reviendrait au parti Libéral mais quelle légitimité a ce parti afin de diriger le pays? Les libéraux viennent de ressortir de la pire défaite de leur histoire, ils ont perdu 25 ou 26 sièges depuis la dernière élection et leur chef n’est même plus reconnu au sein de son propre parti. Le parti est en fait divisé entre deux clans qui ne peuvent s’entendre et qui décident donc de laisser le pantin prendre les décisions, espérant évidemment tirer la couverte de leur bord au fur et à mesure des prochains mois. Tout cela, sans compter le casse-tête que sera pour les partis de s’entendre entre eux. Le leader de la coalition sera donc doublement castré! Est-ce que c’est de ça que le Canada a besoin afin de faire face à la crise économique?

Cette crise financière et économique est extrêmement grave, la pire du pays depuis longtemps et si le gouvernement Harper n’a pas été à la hauteur, l’opposition semble vraiment avoir rabaissé la barre en créant encore plus d’incertitude. Je ne sais pas si tu as remarqué mais la bourse de Toronto a eut une semaine terrible et le dollar canadien est en chute libre. La crise politique actuelle n’aide pas les milieux financiers et ceux-ci n’ont pas confiance en cette coalition.

La solution est donc claire et surtout suite à l'acceptation de Michaëlle Jean de proroger la session parlementaire: Harper (qui a perdu beaucoup de crédibilité et de légitimité dans la suite d'événements) doit continuer de reculer sur plusieurs positions mais aussi tendre la main à l’opposition. Il a déjà pris certaines décisions allant dans cette direction mais c’est encore trop peu. De l’autre côté, l’opposition se doit de se réveiller et y aller d'une approche constructive (après tout, les partis d'oppositions ont fait passer leurs point et sont maintenant en bonne position pour renégocier): proposer leurs amendements pour le budget de janvier et ainsi amener le Canada dans la bonne direction, pas dans un abysse juridique, légal, constitutionnel, économique, financier, etc.

En gros, cette situation (causée par les deux côtés du parlement) ne m'enthousiasme pas du tout, bien au contraire. Je la trouve pathétique et j'aimerais bien que les deux côtés se réveillent afin de faire face aux vrais problèmes actuels.

Pour ce qui est de la position de Michaëlle Jean; je trouve ça vraiment triste qu'on doive se rendre à la situation de demander à un arbitre non-élu de trancher. Cependant, je crois qu'elle non-plus n'est pas contente d'être dans cette situation et j'espère qu'elle saura ramener tout le monde à l'ordre et ainsi obliger le bon sens à reprendre sa place au parlement. J'avoue cependant que je ne vois pas quelle alternative pourrait bien prendre sa place dans notre système parlementaire... Plusieurs pays démocratiques possèdent une fonction similaire, c'est peut-être donc un garde-fou nécessaire pour nos démocraties imparfaites...

 
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