mardi 17 mars 2009

AIG: L'indécence des bonus


Alors que l'assureur gigantesque AIG (American International Group) est sur le bord de la faillite et que seul l'aide gouvernementale garde la compagnie à flot, des bonus substantiels sont versés aux employés.

Vous avez sans aucun doute dû suivre l'histoire de près ou de loin, tant cette nouvelle a créé un émoi, plus que palpable, chez nos voisins du sud. Le sujet étant de première importance, je vais donc commencer par rapidement vous expliquer la situation de base des activités de la compagnie, pour ensuite en venir à la fameuse question des bonus.

Historique et risque mal calculé
En effet, la compagnie d'assurance AIG, un des trois plus importants assureurs au monde est, depuis le début de la récente crise financière et économique, dans une situation financière excessivement mauvaise (pour ne pas dire catastrophique). Cette compagnie, que l'on considérait il y a peu comme non-seulement très rentable mais aussi comme un point central de l'économie américaine, est maintenant devenu un incinérateur colossal, brûlant l'argent des investisseurs et des contribuables à une vitesse jamais vue (62 milliards de perte au dernier trimestre de 2008).

Quel est le problème? Principalement, le problème d'AIG est que cette entreprise n'a pas suivi la voie qui lui avait permis de devenir le numéro 1 mondial. Au cours des dernières années, au lieu de s'en tenir à la vente d'assurance vie, AIG se transforma progressivement en une entreprise de gestion financière (Hedge fund) beaucoup plus large. L'affaire semblait profitable et l'assureur décida de s'impliquer à plein dans les subprimes (comme ce fut le cas de plusieurs autres banques américaines). Évidemment, le tout était beaucoup trop risqué et lorsque le marché de l'immobilier se mis à tomber, la bombe leur explosa entre les mains. Erreur d'autant plus grave puisqu'une compagnie d'assurance est sensé être une spécialiste du calcul du risque, calcul qui fut gravement erroné dans le cas présent... De plus, la structure administrative d'AIG était compliqué à un point tel que toute restructuration de l'entreprise devenait un vrai casse-tête. Problème particulièrement grave étant donné les pertes monstrueuses actuelles.

Face à un tel problème, la théorie voudrait que l'on laisse cette compagnie faire faillite, que les sections insolvables meurent et que le reste soit revendu. Le problème est qu'une telle approche ne semble pas être possible avec AIG; son importance financière étant telle aux É-U que son échec risquerait d'entraîner l'ensemble du système financier américain dans la banqueroute (ce qui aurait des effets désastreux sur l'ensemble de la planète).

Nationalisation
Autrement dit, le système financier étant incapable de se sauver lui-même et les conséquences sur l'économie mondiale étant hors de proportion, il fallait que quelqu'un d'autre trouve une solution. Cette tâche ingrate fut évidemment octroyée au gouvernement américain. Celui-ci décida donc de prêter de larges sommes d'argent à AIG (ainsi qu'à de multiples autres institutions financières). En tout et pour tout, près de 170 milliards de dollars furent prêtés à AIG (au frais des contribuables), ce qui fait que la compagnie est maintenant possédé à 80% par l'État fédéral américain. La pilule était difficile à avaler pour les citoyens et contribuables mais après tout, si c'était absolument nécessaire, quoi faire d'autre?

Bonus
On en vient donc aux derniers jours et à l'annonce qu'AIG vient de faire, annonce précisant que 160 millions de dollars de bonus serait versé à la section financière d'AIG. Oui vous avez bien compris, 160 millions de bonus seront versés aux 400 employés de la section qui, par ses erreurs financières pathétiques, est en train de détruire l'économie américaine dans son ensemble... 160 millions de dollars pour les gens qui ont causé la crise, alors même que des millions d'américains sont en train de perdre leurs emplois! 160 millions de dollars pour récompenser des incompétents, alors même que le simple payeur de taxe doit financer l'entreprise et en même temps, essayer de survivre aux durs temps actuels. Il n'y a qu'une seule réponse à donner face à une telle situation: INACCEPTABLE!

Comment peut-on envisager de donner des primes au rendement à des gens qui ont détruit leur entreprise? Monsieur Liddy, PDG d'AIG depuis 6 mois (et n'est donc pas responsable des récents déboires), se confond en excuse et explique que ces ententes furent signés il y a plus d'un an et est donc obligé de les honorer. Sa position est tout à fait respectable et si les bonus ne représentait que de petits montants (la plupart sont des bonus de 1000$), la situation passerait sans trop de problème. Malheureusement, ces bonus représentent, en moyenne, 250 000$ par employés, ce qui est clairement et nettement trop pour les cancres qui ont détruits le système financier. Malgré tout, le gouvernement et monsieur Liddy semblent donc coincés,ne pouvant simplement résiliés les contrat déjà signés, ils se doivent de payer.

Par contre, si le gouvernement se doit de payer (afin de malheureusement récompenser l'incompétence) et si les simples citoyens doivent tout accepter au même moment que leurs vies sont en train de s'écrouler, sur quelle assise morale les employés "bonifiés" d'AIG pourraient-ils accepter ces bonis? Ne serait-il pas normal qu'eux-mêmes cessent de penser à ce que le monde leur "doit" et se mettent plutôt à réfléchir à leurs responsabilités dans ce fiasco? La moindre des choses ne serait-elle pas que si le gouvernement respecte ses ententes, que de l'autre les employés acceptent de refuser les bonis? Existe-t-il encore un minimum de décence chez ces gens, leur permettant de faire preuve de responsabilité et de solidarité? On ne leur demande pas de se faire Arakiri mais simplement de réparer les pots qu'ILS ont cassés.

Ceux qui refuseraient les bonus prouveraient au moins leur contrition. Pour ce qui est des autres; les créatures immorales qui ne pensent qu'à eux et qui refusent toute responsabilité dans ce qu'ils ont créé, la moindre choses seraient de les payer... mais ensuite de les identifier publiquement et que la honte (et la haine des contribuables) les suive pour toujours! Je sais que cela peut ressembler à une chasse aux sorcières et c'est honnêtement plutôt près de la réalité mais des fois, trop c'est trop et si certaines personnes n'ont aucun remord et ne ressente aucune honte, alors il faut que la société leur fasse bien comprendre qu'ils seront dorénavant des parias. Voilà quelle devrait être la conséquence de leurs actions: ils seront riches mais éternellement détestés de tous!

2 commentaires:

Unknown a dit…

Personnellement, j'ai vraiment un gros problème avec le concept des bonus. J'en viens à repenser à l'affaire de la SAQ, plus près de nous. Ce sont des cadres qui décident que leur propre rendement satisfait à l'entreprise et s'octroyent des primes bonus et autres cossins.

Quand on gagne sa vie en tant que cadre, celà signifie que l'on dépasse le revenu moyen canadien. Mais ce n'est pas assez ? Je crois bien que cette crise remmettra beaucoup de gens à leur place. Je suis pour le rendement qui équivaut à un salaire, mais qu'on arrête ça là !

250,000$ de bonus, c'est le salaire moyen d'à peu près 10 personnes rassemblés qui essayaient de travailler pour s'en sortir. Ah ça me choque... Tellement!

Excellent article Arthur !

Arthur a dit…

Merci pour ton commentaire. En effet, je trouve aussi qu'il y a un réel problème actuellement avec les différentes rémunérations que les cadres haut-placés reçoivent.

Je n'ai aucun problème à ce que quelqu'un de haut placé reçoive un salaire bien meilleur que le mien. Si son apport est essentiel et bien qu'on le paye en conséquence. Par contre, combien de fois le salaire moyen une persone peut-elle valoir? 5 fois, 10 fois, 20 fois, 100 fois? Actuellement, certains PDG reçoivent des bonus pouvant aller jusqu'à 100 000 000 de dollars! À un certain point, j'ai l'impression qu'on perd tout repère avec la réalité.

Personnellement, je souhaiterais que les entreprises puissent rémunérer leurs employés (même les PDG) à leur guise. Par contre, je crois aussi que les gouvernements devraient dramatiquement augmenter le niveau d'imposition pour les salaires sociallement "excessifs".

Si une compagnie veut rémunérer son PDG 10 millions de dollars et bien qu'elle le fasse mais que personne ne s'étonne si l'on se met à taxer ce revenu à un très haut niveau (pourquoi pas de 70%-80%?). L'individu en question aura eu son salaire (ou son gros bonus) mais la communauté en aura repris la plus grande partie, permettant ainsi de redistribuer aux simples travailleurs qui ne gagnent pas aussi facilement leur vie.

Évidemment, il y a aussi la question de l'efficacité de la rémunération: les salaires versés aident-ils vraiment à créer un rendement? Je crois qu'il faudrait vraiment que les entreprises se posent la question. Rémunérer pour obtenir un bon résultat peut se justifier, rémunérer pour n'obtenir aucun résultat (ou même pire, un résultat catastrophique) ne se justifie jamais. On se trouve malheureusement dans la deuxième catégorie.

 
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