mardi 30 septembre 2008

Democratie à l'Albertaine


Démocratie et Parti unique, est-ce que ça peut vraiment fonctionner ensemble? C'est la question que beaucoup d'Albertains se posent et que je me suis aussi posé durant mon séjour en Alberta. En effet, il valait bien la peine que je me la pose, après tout cette province ne connaît pas vraiment les affres de l'alternance politique. Le parti Conservateur de l'Alberta est au pouvoir depuis 1971 (37 ans au pouvoir, wow!). Même avant cela, les créditistes (un parti religieux, populiste et socialement conservateur) étaient au pouvoir depuis 1935. Cela fait donc près de 70 ans que cette province est dirigée par des gouvernements plus ou moins conservateurs. Du jamais vu au canada!

Cette main mise des Conservateurs sur la province font donc plutôt penser au stéréotype même de l'État semi-démocratique comme il est connu au travers de la planète. Combien de pays se disent démocratiques (parce qu'ils leurs arrivent d'organiser des "élections") mais sans jamais donner une réelle chance aux adversaires politiques de vraiment pouvoir gagner l'élection? Ça n'est évidemment pas exactement le cas en Alberta, le parti au pouvoir ayant tout de même à répondre de ses pratiques devant les normes canadiennes. Par contre, il reste plusieurs questions troublantes à propos de la "démocratie" en Alberta. Ne voyez donc pas mes commentaires comme des attaques en règle contre l'Alberta mais plutôt comme une série de commentaires sur un cas flou mais aussi sur l'idée même de ce qu'est une démocratie.

Principalement, la démocratie en Alberta souffre de quelques problèmes principaux: un manque de rotation au pouvoir, des circonscriptions électorales fluctuants trop facilement, une liberté d'expression parfois un peu flou et finalement un intérêt pour la démocratie vraiment bas au sein de la population.

Commençons donc avec le premier problème, le manque de rotation au pouvoir. Je vous ai déjà introduit sur le sujet, sur le fait que les Conservateurs tiennent le haut-pavé du gouvernement depuis presque quatre décades. Vous pourrez toujours vous demander: "quel est le problème? S'ils se font réélire, c'est que les gens les aiment". Et la réponse serait un "oui évidemment mais..." il est toute fois impossible que les Conservateurs aient fait un travail parfait sur quatre décennies. Et même si ça avait été le cas, comment se fait-il alors que dans une société pluraliste comme celle de l'Alberta, aucun autre point de vue n'arrive à s'exprimer? Ce point particulier n'est donc pas une raison du déficit démocratique de l'Alberta mais plutôt l'exemple démontrant le mieux le problème.

Une meilleure explication du manque de rotation au pouvoir en Alberta, se trouve dans la structure des circonscriptions électorales mêmes. Pour faire rapide, disons simplement que les circonscriptions électorales ne sont pas gérées (au niveau de la taille ou l'emplacement) de manière indépendante en Alberta et que le gouvernement a la possibilité de les changer en fonction de ses intérêts. Autrement dit, si le parti au pouvoir se rend compte qu'il risque de perdre une circonscription, il peut toujours changer les pourtours de celle-ci afin de diluer la masse de contestataire. C'est une technique qui fut amplement utilisée par Duplessis au Québec mais qui serait maintenant impensable. La gestion des circonscriptions étant maintenant entre les mains d'un organisme indépendant (Directeur Général des Élections du Québec). L'Alberta n'a malheureusement pas encore adopté cette réforme politique, ce qui la met dans une situation démocratique ambiguë.

Une autre raison potentielle du déficit démocratique Albertain, se trouve au niveau de la liberté d'expression. Évidemment, l'Alberta ne contrôle pas directement les médias diffusant dans la province. Cependant une certaine limitation, plus subtile, se fait tout de même. Comme je l'ai raconté précédemment dans mon éditorial: Liberté d'expression en Alberta? , un certain "consensus" pervers existe à propos de l'exploitation du pétrole en Alberta. Il est très mal vu de commencer à critiquer cette industrie et encore moins les positions du gouvernement sur le sujet, d'ailleurs de nombreux Albertains sont convaincus que les compagnies pétrolières ont carrément le contrôle du gouvernement. Ce qui montre bien qu'il y a un problème, car si un sujet aussi controversé que l'exploitation des sables bitumineux ne peut pas être adressé de face, publiquement et que toute critique reçoit une fin de non-recevoir, c'est que la population est désinformée (volontairement ou non) face à une problématique gigantesque pour la province. Dans un tel cas, la capacité à être bien informé à propos des enjeux importants étant essentielle à la démocratie, on peut se demander quelles peuvent être les conséquences démocratiques de cette "ségrégation" de l'information albertaine.

Mon dernier point, est celui soulevé par le manque d'intérêt pour la démocratie démontré par les Albertains. Évidemment que les Albertains, si on le leur demande, diront qu'ils sont bien attaché à la démocratie mais concrètement, est-ce vraiment le cas? Ma remise en question vient du fait que les Albertains ne votent pas. Aux dernières élections, seulement 41% des électeurs sont allés voter. La situation est grave au point que si, dans chaque circonscription, l'absentéisme était considéré comme un candidat, le parlement albertain serait maintenant à 100% vide, car les candidats "absentéiste" aurait gagné dans chaque circonscription. Si ça n'est pas dramatique, alors je ne vois pas qu'est-ce qui pourrait l'être. Une implication de base est nécessaire afin de permettre à la démocratie de fonctionner, alors comment l'Alberta pourrait-elle avoir une démocratie vibrante alors même que près de 60% de la population ne se lève même pas de son divan pour aller voter?

Voici donc pourquoi, à cause des différents problèmes que j'ai évoqué dans cet article, je considère que l'Alberta est dans une situation démocratique douteuse, ce qui devrait non-seulement affoler les Albertains eux-mêmes mais nous aussi. Car si ce problème existe en Alberta, serait-il exagéré de s'imaginer qu'un tel problème pourrait aussi arriver chez nous? D'ailleurs la question se pose, si je considère l'Alberta comme étant loin d'être un exemple de démocratie, qu'est-ce qui fait vraiment que le Québec soit en meilleur position? Je laisse cette seconde question à votre raisonnement propre.

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