jeudi 22 octobre 2009

La boxe: un sport maudit?


Depuis le début de l'été:
-Alexis Arguello, ancien multiple champion du monde, est retrouvé mort le premier juillet, la police nicaraguayenne hésite entre le suicide et le meurtre.
-Arturo Gatti (n'a pas besoin de présentation) est retrouvé mort le 11 juillet, la police brésilienne conclut au suicide.
-Vernon Forest, multiple champion du monde, se fait assassiné en pleine rue. Cet homme, un philantrope reconnu pour ses bonnes oeuvres, avait simplement refusé de donner son argent à un voleur.
-Darren Sutherland, médaillé Olympique et grand espoir de la boxe professionnelle irlandaise, se suicide le 14 septembre.

Et ceci n'est qu'un échantillon des malheurs qui s'abattent perpetuellement sur le monde de la boxe. À ce point on pourrait se demander: est-ce une malédiction?

Il n'y a aucun doute que le monde de la boxe est dans un univers bien à part lorsqu'il s’agit des destins tragiques. On n'a pas à chercher bien loin pour dégoter des histoires horribles; le suicide du jeune Sutherland étant le dernier m'ayant particulièrement frappé. Qu'est-ce qui pouvait bien le pousser à vouloir mettre fin à sa vie, lui qui semblait avoir un avenir brillant?

Si je ne peux évidemment pas connaître les situations particulières et personnelles de chacun des individus cités dans votre article, je me demande toute fois les raisons générales qui poussent ces athlètes exceptionnels à attirer autant le malheur (disons, à attirer nettement plus le malheur qu’un joueur de golf ou de tennis)...

Sans être sociologue (et encore moins psychologue), j'aimerais toute fois proposer quatre pistes de réponse. Je pense que certains facteurs influencent particulièrement la tragédie qu'est la boxe, les voici: pauvreté/manque d'éducation, milieu interlope, recherche du risque et commotions cérébrales. J’essaierai donc de vous présenter chacun des facteurs et en quoi ils me semblent pertinents face au problème des morts tragiques dans le milieu de la boxe.

La boxe, issue de la pauvreté
1. Le premier facteur de la "malédiction" de la boxe, est le milieu duquel les boxeurs proviennent, ainsi que leur niveau d'éducation. Ceci ne s'applique peut-être pas au Québec mais est clairement le cas aux États-Unis ou en Europe. On peut dire qu'en général, pour vouloir gagner sa vie avec ses poings, il ne faut vraiment pas avoir d'autres options valables (ou du moins, pas d'option plus facile). Dans cette logique on peut comprendre pourquoi un gars qui sort pratiquement de la rue en viendra plus facilement à faire de la boxe que, disons, le fils de Bill Gates... Les boxeurs viennent donc, en général, de milieux plus défavorisés (Tyson, Mayweather, Frazier, Judah, Liston, Pacquiao, Hopkins, Marquez et la liste s'étend à l'infini) et c'est ce qui les pousse à vouloir se rendre jusqu'en haut; se faire une nouvelle vie grâce à leur volonté et à leurs poings... Une fois cela précisé, on peut rapidement faire l'association avec les problèmes sociaux associés aux milieux défavorisés: drogue, violence, etc. Je ne veux évidemment pas dire que "nécessairement" les gens de milieux défavorisés sont plus prompts à ces comportements mais simplement que statistiquement, il y a plus de chance pour eux que ça aille dans ce sens. Augmentant ainsi les chances d’une fin tragique.

Boxe, sport interlope

2. Le deuxième facteur est celui du milieu interlope. Encore une fois, je crois que ça ne sera une surprise pour personne que la boxe n’est pas le milieu le plus propre qui soit… Les « Don King » de ce monde sont des rapaces crapuleux et vivre près d’eux ne peut que raccourcir votre durée de vie. D’accord, j’exagère un peu et j’espère bien que le milieu de la boxe québécoise est nettement plus propre. Mais on ne peut réfuter le fait que la pègre a toujours eu une place prépondérante dans le monde du pugilat et que, c’est une évidence, il y a plus de chance d’avoir une fin tragique lorsqu’on vit près du crime organisé (c’est pour ça qu’on retrouve des Hells ou des Bandidos dans le fleuve et non pas le comptable ou le fonctionnaire moyen…). Autrement dit, lorsqu’un boxeur se fait tirer dessus, on peut se demander si ce ne sont pas ses contacts ou associations "professionnels" qui se retournent contre lui ou du moins, lui jouent un mauvais tour…

Le caractère

3. Le troisième facteur est celui du caractère bien particulier des boxeurs. En effet, les boxeurs professionnels sont des athlètes hors normes. Pourquoi cela? En dehors du fait que le boxeur se doit d’être dans une forme impeccable, être surentraîné, etc. Ce qui le différencie des autres athlètes se trouve dans la tête. Ils sont différents simplement parce que leur sport les pousse à prendre des décisions radicalement différentes de celles prisent par les autres êtres humains… Je m’explique: un boxeur se doit de ne pas écouter une partie de son instinct de survie et de ne pas prendre en compte ses besoins naturels de préservation personnelle. Un boxeur doit faire fi de sa santé/sécurité physique puisque son sport, justement, l’oblige à se mettre dans des situations de violence insoutenable. Si un boxeur s’en fait trop pour sa sécurité personnelle, il finira par abandonner. Nous n’avons qu’à penser au dernier duel Ortiz vs Maidana. Ortiz était plus talentueux à tous les niveaux mais une fois un certain niveau de douleur atteint, il a voulu se protéger et a donc abandonné. Contrairement à ça, Maidana se fouttait complètement de sa situations personnelle, il voulait gagner, un point c’est tout! Résultat : Maidana à gagné et Ortiz ne sait plus où sa carrière le mène.
Victor Ortiz (à gauche), après avoir
abandonné contre Maidana

Le problème avec cette caractéristique unique propre aux boxeurs, c’est qu’ils prennent plus de risque, dans leur vie personnelle que la plupart des gens. C’est leur manque de conscience du danger qui aura amené la mort de gens tels que Vernon Forrest ou encore Diego Corrales (accident de moto, alcool au volant...).

Les commotions cérébrales
4. Le quatrième et dernier facteur est celui des commotions cérébrales. Bon, ce n’est un secret pour personne que les commotions cérébrales et la boxe sont comme la pluie et le fait d’être mouillé, l’un va presque automatiquement avec l’autre. Le problème c’est que les commotions cérébrales ont d’importants effets sur ceux qui les ont subies et cela, bien des années après que l’accident ait eu lieu. De récentes études prouvent que des commotions cérébrales répétées tendent à affecter le comportement, créer de l’instabilité émotive et émotionnelle et finalement, peuvent même être liées à la dépression. Autrement dit, plus on reçoit de coups à la tête, plus on a de chance d’avoir une commotion cérébrale et plus on a de commotion cérébrale, plus on a de chance, après coup, d’avoir des problèmes psychologiques. Cet été, Alexis Arguello et Arturo Gatti étaient dépressifs au point de mettre fin à leurs vies. Peut-on vraiment affirmer que leur situation physique n’a eu aucun effet sur leur décision? Difficile à nier.

Bon, voilà, j’ai terminé. Je n’ai pas pu y penser en profondeur mais je crois bien que ces quatre éléments (pauvreté/manque d'éducation, milieu interlope, recherche du risque et commotions cérébrales) sont tous responsables de la "malédiction" de la boxe. Oui, on ne parle pas du "mauvais œil" mais biens de raisons sociologiques, psychologiques et physiologiques.

En tout cas, ce n’est pas ça qui nous empêchera d’aimer ce sport exceptionnel, ni aux boxeurs de vouloir continuer à persévérer dans ce sport dangereux. Par contre, il serait à espérer qu’éventuellement, on réussisse à contrebalancer certains de ces facteurs pernicieux, par exemple: des arbitres prenant mieux en compte la santé des boxeurs, des tests de santé plus rigoureux, séparer définitivement le monde de la boxe de celui de la pègre, etc.

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