Serait-il vraiment possible que Jean Charest soit, pour la première fois de ses multiples années au pouvoir, finalement courageux? C'est encore trop tôt pour le confirmer mais il semblerait que ce bon vieux flanc mou de Charest est en train de "mettre ses culottes" à propos de la fameuse question des tarifs. D'accord, c'est vrai que je suis un peu rude dans ma pseudo-analyse mais il faut toute fois reconnaître que notre premier ministre n'a pas souvent pris le chemin difficile depuis qu'il est au pouvoir.
En fait, je pourrais même affirmer que depuis l'échec retentissant de sa tentative de "réingénérie de l'État", Jean est devenu quasiment allergique à toute motion allant à l'encontre des lubies bien temporelles de la majorité des électeurs.
Suis-je injuste? Peut-être, après tout, il a vraiment fait face à une lame de fond dévastatrice lors de son premier mandat et son mandat minoritaire ne lui a pas vraiment permis de prendre des positions controversées. Cependant et c'est on ne peut plus clair, il n'a maintenant plus aucune excuse: ou bien il laisse maintenant sa trace (de manière positive ou marquante) ou bien il restera dans les analles politiques québécoises comme un des politiciens les plus mous de l'histoire moderne de notre nation...
Bon, cessons ce lynchage en règle, après tout le but de cet article était avant tout de féliciter monsieur Charest et non pas de le couvrir de boue (ou pire). Oui, je veux féliciter monsieur Charest pour trois raisons principales: premièrement pour son projet de hausse des tarifs, deuxièmement pour les tarifs qu'il ne fera pas augmenter et troisièmement pour la manière plutôt rusée dont il a présenté ce plan sur la scène publique.
Pourquoi est-ce que je défend cette idée de hausse des tarifs? Pour plus d'une raison mais principalement parce que l'on n'a pas le choix de faire face à la réalité. Nos finances publiques sont dans un état pitoyable (la dette est gigantesque et l'avenir risque d'être encore plus sombre) et ce n'est pas à cause qu'on n'a pas essayé de faire diminuer les coûts. En dehors de la santé et de l'éducation (deux secteurs dans lesquels il est quasiment impossible de faire des coupures), le reste de la fonction publique ne respire plus depuis quinze ans (bon, peut-être dix). Autrement dit, la solution n'est pas de couper mais de choisir entre une diminution des services ou encore une augmentation des revenus.
Autrement dit, soit on accepte une bonne partie de notre filet social (inacceptable!) ou encore on augmente les revenus. Évidemment, il est toujours possible d'augmenter la taxe de vente (ce qui sera fait en 2010) ou encore les impôts mais ceux-ci sont déjà très élevés. D'un autre côté, on peut aussi pousser les québécois à finalement payer un prix réalistes pour les services qu'ils reçoivent (ce qui n'est pas le cas en ce moment).
La solution, inévitable même si impopulaire (et c'est ici que Jean Charest devient courageux), est d'augmenter les tarifs. Les possibilités sont multiples mais les principales seront d'augmenter les prix de l'électricité, des mettre des péages sur les autoroutes, de taxer la malbouffe et plus encore l'alcool, de hausser certains frais de scolarité, etc. Je ne veux pas avoir l'air sadique mais je dois m'avouer vraiment satisfait de la
plupart de ces choix. Il est évident depuis des années que une hausse de la tarification d'Hydro-Québec était nécessaire. Une hausse des prix permettra une baisse de la consommation locale (ou "gaspillage" local), ce qui permettra de revendre le surplus à nos voisins régionaux. L'Alberta fait la palette à revendre son pétrole et bien nous on fera la palette à revendre notre électricité. Si vous avez des doutes sur la question, jetez un coup d'oeil sur cet
article que j'ai écrit il y a deux ans, ça devrait vous éclairer. De plus, il est bon à préciser que 300 millions de dollars, du pactole créé les nouveaux revenus d'Hydro, devraient être redistribués aux populations les plus en difficultées. Autrement dit, ça ne sera pas un enrichissement de l'État qui se fera au dépens des plus pauvres.
Pour ce qui est des autres tarifs et bien ils sont, dans l'ensemble, très positifs. Mettre une taxe sur la malbouffe ne rapportera pas beaucoup d'argent mais permettra de dissuader un comportement nocif et en plus, a la justification évidente qu'il faut bien aider à payer les soins de santé qui sont causés par ces aliments. On paye d'importantes taxes sur les cigarette, ce qui aide à payer pour les cancers qui en découlent et bien même chose pour Pepsi et Coca-Cola...
Les péages sur les autoroutes découlent de la même logique: nos routes nous coûtent cher et l'excès d'utilisation des automobiles coûte cher à la planète. En mettant des péages, on aide à payer les routes et on permet aussi de diminuer l'utilisation des
machines à essence. Avec un peu de chance, ça donnera un coup de pouce au transport en commun et ça permettra éventuellement d'avoir notre fameux TGV Québec-Windsor.
Par contre, je dois m'avouer septique face à l'augmentation des taxes sur l'alcool, ainsi que l'augmentation des frais de scolarité au CÉGEP. Je précise, je ne suis pas
nécessairement contre mais j'ai peur que ça ne puisse être contreproductif. Premièrement, l'alcool est déjà fortement taxé, plus que dans la très grande majorité des pays dans le monde. De plus, on se rend compte que certains types d'alcool (le vin rouge, par exemple), peuvent avoir des effets positifs sur la santé. Voudrait-on vraiment dissuader un comportement positif pour la société? D'accord j'exagère un petit peu, après tout l'alcool est avant tout un loisir, le taxer un peu plus ne tuera personne.
Finalement, la situation des frais de scolarité est plus compliquée. Il est tout à fait vrai que les frais pour accéder au CÉGEP (125-150$ par session) sont quasiment dérisoires. Cependant, il faudrait faire attention de ne pas trop les augmenter, car le CÉGEP ne représente pas des études supérieures mais bien une continuité du secondaire et on ne devrait pas dissuader les jeunes d'y aller.
En gros, voilà ce que je pense du choix gouvernement en ce qui a trait à la hausse des tarifs mais il est tout aussi intéressant de voir
là où le gouvernement n'a pas décidé d'augmenter les tarifs...
Pourquoi est-il adéquat de ne pas faire augmenter certains tarifs? Parce que certains services représentent avant tout des investissements et qu'en ce sens, il ne faut absolument pas dissuader les gens d'avoir de tels comportements. Le meilleur exemple est la situation des garderies à 7$. Le fait d'avoir des enfants est une richesse (pour ne pas dire LA richesse) essentielle pour tout pays (ou province) et si on a récemment réussit à faire augmenter la natalité, il est toute fois beaucoup trop tôt pour arrêter nos efforts. Il est important d'encourager les gens à avoir des enfants et il est tout à fait normal d'aider à défrayer les coûts gigantesques qui y sont reliés. Les garderie à 7 dollars nous coûtent cher mais sont appréciés par les centaines de milliers de familles qui les utilisent, c'est donc le moins qu'on puisse faire afin de leur donner un coup de main dans leurs défis.
Autrement dit, bravo à Charest de taxer ce qui est contreproductif et non pas ce qui est productif.
En quoi a-t-il bien présenté ce plan sur la scène publique? Je crois que la manière dont il a laissé filtrer, peu à peu, l'information à propos de hausses de tarifs a été plutôt habile. En effet, au lieu de directement présenter ses intentions, il a laissé les Jeunes Libéraux ouvrir le sujet, puis certains intervenants ont dit ce qu'ils en pensaient, ce qui a permis aux médias d'en parler abondamment; tout cela sans que Charest n'ait à se mouiller directement (ça lui ressemble bien). Une fois la réaction de la population dûment jaugée (dans l'ensemble, ça rend la colère mais rien d'explosif), Charest a alors put se permettre de dire ouvertement qu'il fallait en effet passer par ce dur processus, que les tarifs seraient bel et bien augmentés mais... Mais! Évidemment la population sera consultée et aucune décision inconsidérée ne sera prise (ce que madame Marois contredit vertement). Je tends à donner raison à madame Marois, les experts ont déjà déterminé là où les augmentations auraient à couper mais contrairement à madame Marois, je suis tout à fait d'accord avec le gouvernement: on sait depuis longtemps où il faut taxer, ça n'est pas le moment de se faire bloquer par une vague d'incompréhension populaire.
Autrement dit, Charest a trouvé un moyen de faire tranquillement accepter ce constat à la population. Ça n'est pas exactement la manière idéale, j'aurais préféré une vraie discussion sur le sujet, de manière à faire comprendre aux Québécois le plein bien fondé de l'action mais bon, à défaut de pédagogie, au moins on aura le résultat. Si c'est le mieux que puisse faire Jean Charest (au niveau du courage personnel), au moins il nous l'aura donner avant la fin de son troisième mandat...
Tiens mon Jean, si tu réussis ton coup, je te donne un B+ (ou peut-être même un A- dépendamment des détails à venir). Si tu recules encore une fois, par contre...